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Israël ne doit pas bénéficier d’une totale impunité

10 mars 2009

Né en 1917 à Berlin, Stéphane Hessel a émigré en

Né en 1917 à Berlin, Stéphane Hessel a émigré en France avec sa mère en 1924, lutté aux côtés de la Résistance, été déporté à Buchenwald, puis il fut corédacteur de la Déclaration universelle des droits de l’homme en 1948. Mémoire vivante du XXe siècle, il participait dimanche à un débat sur la liberté d’expression dans le cadre du Festival du film et forum international sur les droits humains (FIFDH) à Genève. En marge du festival, il s’est exprimé sur le conflit israélo-palestinien, un sujet qui lui tient particulièrement à cœur. D’origine à moitié juive et à moitié protestante, il se place sur le plan moral pour dénoncer les violences israéliennes à l’égard des Palestiniens.

Le Temps: Vous avez été très critique face à l’intervention israélienne à Gaza, n’hésitant pas à parler de crime de guerre et de crime contre l’humanité. La semaine dernière, avec d’autres personnalités, vous avez lancé l’idée d’un «Tribunal Russell» pour la Palestine.

De quoi s’agit-il?
Stéphane Hessel: C’est la suite de ce qu’avait fait Jean-Paul Sartre sur le Vietnam. C’est une instance éthique. Parmi les initiateurs, il y a Ken Coates, le président de la Fondation Bertrand Russell pour la paix, Ken Loach, Mary Robinson ou Boutros-Ghali. Israël ne doit pas bénéficier d’une totale impunité. Si des gens ayant autorité morale se mettaient ensemble pour faire la liste de toutes les violations du droit international dont les gouvernements israéliens successifs se sont rendus coupables, cela pourrait inciter les grandes puissances, les Nations unies et Luis Moreno-Ocampo à mettre devant la Cour pénale internationale des dirigeants israéliens parmi les plus criminels comme les généraux qui ont frappé sur Gaza. C’est encore embryonnaire. On dépend de l’écho des médias. Mais à l’époque du Vietnam, cela avait eu un certain rayonnement. Ce qui me choque le plus dans l’histoire d’Israël, c’est l’absence totale de sanctions. L’Europe, par exemple, au lieu de mettre au moins un terme à ses relations économiques en disant que les droits de l’homme sont violés, se rapproche au contraire encore plus d’Israël. Les instances internationales sont presque plus responsables que le gouvernement israélien. Le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a été très bien, mais le Conseil de sécurité est bloqué par le veto américain.

– A propos de Gaza, vous avez également parlé de désastre pour la morale juive. Pouvez-vous préciser?
– J’ai eu le privilège, en 1948, d’assister à la création de l’Etat d’Israël. Je considérais que c’était une réponse nécessaire aux horreurs de la Shoah et que les juifs qui avaient combattu avec véhémence pour un Etat devaient être soutenus dans cette lutte parce que, conformément aux grands principes du judaïsme, ils devaient créer un Etat moderne, un Etat social, avec une vraie démocratie même si une difficulté centrale subsistait: qu’est-ce qu’un Etat juif? Mais Ben Gourion avait clairement indiqué que les Arabes qui resteraient à l’intérieur de cet Etat jouiraient des mêmes droits civiques. Ce sont ces valeurs-là, que j’assimile aux valeurs sur lesquelles la diaspora juive a vécu tout au long des derniers siècles, la volonté de réaliser le Décalogue, de réaliser la tolérance, de réaliser les messages de Spinoza, de Freud ou de Marx. Il y a une judaïté qui a fait énormément pour le progrès des valeurs morales dans le monde moderne. C’est à un Etat de ce genre que j’accordais mon plein soutien. La rupture s’est faite avec deux événements: l’un, peu connu quand il s’est produit, que les Palestiniens appellent la nakba [ndlr: la «catastrophe»], c’est-à-dire la façon dont les juifs en s’implantant ont été amenés à chasser les Palestiniens. La brutalité de cette expulsion n’a été connue que peu à peu. Plus tard, après la guerre des Six-Jours, l’occupation et la colonisation des terres attribuées par les Nations unies aux Palestiniens ont été la grande erreur qu’un homme comme [Yitzhak] Rabin a reconnue puisqu’il a précisé qu’il fallait revenir aux frontières de 1967. Je considère que les juifs ont une place à occuper dans le monde, comme toutes les grandes religions, et que cette place peut être amicale avec les autres religions. Le contraire, c’est un Etat qui joue le rôle d’une force militaire extrêmement puissante, et cela est la négation de ce que devrait être le rôle d’un Etat d’Israël trouvant sa place amicale à l’intérieur du Proche-Orient. Si on continue à rester une puissance d’occupation, viendra un jour où la région se révoltera contre cet Etat. Quelle que soit sa puissance militaire, la démographie lui est défavorable. Un jour peut venir où les autres vous diront qu’ils en ont assez et qu’ils vous fichent à la mer.

– A part quelques rares voix, comme la vôtre, on a le sentiment d’un grand silence de la communauté juive en Europe face aux exactions d’Israël à Gaza ou plutôt un soutien massif à la politique du gouvernement actuel d’Israël. Comment l’expliquez-vous?
– Ce n’est pas si radical. Il y a le CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France) qui est complètement inféodé à l’Etat d’Israël et qui regroupe en effet une bonne partie de la diaspora en France, le pays qui a la plus grande communauté juive d’Europe avec à peu près 500 000 individus. Mais l’UJFP (Union juive française pour la paix), dont je fais partie, est quand même répandue dans tout le pays. Des groupes comme Palestine 33 comportent aussi beaucoup de juifs. Là où vous avez tout à fait raison, malheureusement, c’est que les médias sont très influencés par des juifs très pro-Israël et qui défendent la thèse qui m’exaspère: «Attention, nous avons affaire à des gens qui nous envoient des roquettes, alors nous sommes obligés de nous défendre, donc c’est la sécurité de ce petit pays au milieu d’une foule arabe que nous défendons.» Cela aboutit à ce silence que nous essayons de briser. Il y a heureusement des Israéliens qui partagent ma façon de voir.

– Que pensez-vous du glissement vers une droite dure au pouvoir en Israël avec, pour prochain ministre des Affaires étrangères, l’extrémiste Avigdor Lieberman?
– Cela signifie que l’opinion publique en Israël a été manipulée par la capacité brillante de communication des dirigeants, qui ont fait naître un sentiment d’angoisse, de peur et de besoin de sécurité. Chaque fois qu’il y a un incident, on joue là-dessus pour faire croître le besoin d’une armée forte. Comme dans beaucoup de pays, quand il y a la guerre, l’opinion défend ceux qui la font Film ce mardi au FIFDH: «Le monde selon Stiglitz», suivi d’un débat «Un autre monde est possible», avec le Prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz et le professeur d’économie politique Victoria Curzon-Price. 19h15 à l’auditorium Arditi.

Source: Le Temps
Le 10 mars 2009

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Israël ne doit pas bénéficier d’une totale impunité
  • Ancien résistant et déporté, Stéphane Hessel a lancé l’idée d’un «Tribunal Russel» pour la Palestine comme il y en eu un pour le Vietnam avec l’espoir de faire pression sur Israël et la communauté internationale. Frédéric Koller
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